Pendant longtemps, la médecine ne s’est intéressée à la santé des femmes qu’à travers la gynécologie et l’obstétrique, négligeant d’autres pathologies. Conséquence : les femmes sont parfois diagnostiquées avec retard. Et certains clichés sur leur santé ont la peau dure. Le monde médical commence à en prendre conscience.
Les femmes, les grandes oubliées des maladies
cardiovasculaires
Ainsi, l’idée que les maladies cardiovasculaires concernent
surtout les hommes est solidement installée. En réalité, l’infarctus et l’accident vasculaire cérébral sont les premières causes de mortalité
aujourd’hui chez les femmes. « Elles sont les grandes oubliées
des maladies cardiovasculaires », constate amèrement le Pr Claire
Mounier-Vehier, président de la Fédération française de cardiologie, membre du
Comité scientifique de Santé
magazine.
Les femmes plus nombreuses que les hommes à
souffrir de BPCO
Autre idée reçue : le profil type du patient atteint de BPCO
(broncho-pneumopathie chronique obstructive) serait
« un homme de 50 ans qui fume, qui tousse et qui crache », selon
l’expression d’un pneumologue. Aujourd’hui, en France, 40 % des
patients atteints de BPCO sont des femmes, contre 20 % il y a vingt ans,
en lien avec le tabagisme, la pollution et l’exposition professionnelle à des
produits chimiques. Aux États-Unis et en Australie, elles sont désormais plus
nombreuses que les hommes à être touchées par cette maladie.
Douleur, santé mentale : les femmes moins
bien prises en charge
Autre exemple : la douleur. Pendant longtemps, les médecins
– et les femmes elles-mêmes – ont considéré qu’il était normal de souffrir pendant les
règles. Résultat, l’endométriose est souvent diagnostiquée avec
plusieurs années de retard, ce qui limite les chances de grossesse.
Enfin, dans le domaine de la santé mentale, des scientifiques ont
récemment dénoncé le retard au diagnostic dont sont victimes les jeunes femmes
autistes. En fait, elles développent des stratégies différentes des garçons
pour compenser les troubles de la communication.
De nombreuses femmes ont du mal à
accéder aux soins
De fait, les
symptômes d’une même maladie s’expriment différemment d’un sexe à l’autre. Exemple
typique : l’infarctus se manifeste chez un homme par des douleurs dans la
poitrine, du côté gauche, irradiant dans la mâchoire. Chez une femme, les
signes seront plutôt digestifs. « Trop souvent, lorsqu’une femme arrive
avec des vomissements aux urgences, on va penser à une gastro ou à un ulcère,
avec le risque de passer à côté d’un infarctus », dit le
Pr Mounier-Vehier. Conséquences : les femmes victimes d’un accident
cardiaque sont prises en charge avec une heure et demie de retard en moyenne
par rapport à un homme. « Une véritable perte de chance », pour le
Pr Mounier-Vehier.
Une inégalité plus marquée dans les milieux
défavorisés
La situation est particulièrement injuste pour les plus
défavorisées. Dans un rapport publié le 7 juillet 2017 (La santé et l’accès aux soins :
une urgence pour les femmes en situation de précarité), le HCE s’est
penché sur la question des travailleurs pauvres, dont 73 % sont des femmes
souvent à la tête d’une famille
monoparentale. Ces femmes « hors radar », comme le dit Geneviève
Couraud, cumulent les difficultés d’accès aux soins, participent peu au dépistage
organisé des cancers, ne sont pas suivies sur le plan gynécologique, souffrent
davantage que la moyenne de surpoids et d’obésité, de troubles
musculo-squelettiques, d’addictions, etc. « Leur propre santé n’existe pas
à leurs yeux. Elles se disent qu’il faut tenir le coup », observe
Geneviève Couraud.
Les traitements sont souvent inadaptés aux
femmes
Les professionnels de santé commencent à s’intéresser aux
particularités liées au genre. « Mais il y a très peu de formations sur
ces sujets auprès des étudiants en médecine. De même, les médecins ne sont pas
assez formés à détecter
les violences dont peuvent être victimes les femmes et à créer un
climat qui permettrait d’aborder ces questions en consultation », regrette
Catherine Vidal, coauteure de Femmes
et santé, encore une affaire d’hommes ? ( éd. Belin).
Pendant longtemps, la recherche scientifique sur de nouveaux
médicaments n’a tenu aucun compte des spécificités féminines. « Les
mouvements féministes aux États-Unis ont été les premiers à le dénoncer et à
obtenir le vote d’une loi, en 1993, obligeant les acteurs de la recherche
à inclure des femmes dans leurs essais cliniques », observe Catherine
Vidal. L’Europe a suivi le mouvement, mais avec un temps de retard.
Conséquences : les médicaments ne sont pas toujours adaptés au métabolisme féminin.
« Dans
le traitement du cholestérol, les femmes qui prennent une statine ont davantage
de crampes que les hommes, tout simplement parce que la dose a été calculée
pour des hommes », précise Claire Mounier-Vehier.
De même, les femmes qui bénéficient d’une réadaptation cardiaque
après un infarctus sont deux fois moins nombreuses que les hommes. Dans
certains cas, le médecin ne la leur a pas proposée. Mais parfois, c’est la
patiente qui a refusé. Pour faire avancer les choses, les femmes devront aussi
changer de regard sur leur propre santé.
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