Soins : Les femmes sont-elles moins bien soignées que les hommes ?

Pendant longtemps, la médecine ne s’est intéressée à la santé des femmes qu’à travers la gynécologie et l’obstétrique, négligeant d’autres pathologies. Conséquence : les femmes sont parfois diagnostiquées avec retard. Et certains clichés sur leur santé ont la peau dure. Le monde médical commence à en prendre conscience.

C’est un fait solidement ancré dans les esprits : les femmes ont, en France, une espérance de vie plus longue que celle des hommes. Mais cette donnée a priori rassurante sur l’état de santé des Françaises, cache une réalité plus complexe. Depuis 2000, leur espérance de vie progresse moins vite que celle des hommes et elles restent en bonne santé moins longtemps . « L’idée que les femmes vivent plus longtemps que les hommes “plombe” tout ce que l’on peut dire sur leur santé. Ce qui fait le lit de tous les stéréotypes », regrette Geneviève Couraud, membre du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE).

Les femmes, les grandes oubliées des maladies cardiovasculaires

Ainsi, l’idée que les maladies cardiovasculaires concernent surtout les hommes est solidement installée. En réalité, l’infarctus et l’accident vasculaire cérébral sont les premières causes de mortalité aujourd’hui chez les femmes. « Elles sont les grandes oubliées des maladies cardiovasculaires », constate amèrement le Pr Claire Mounier-Vehier, président de la Fédération française de cardiologie, membre du Comité scientifique de Santé magazine.

Les femmes plus nombreuses que les hommes à souffrir de BPCO

Autre idée reçue : le profil type du patient atteint de BPCO (broncho-pneumopathie chronique obstructive) serait « un homme de 50 ans qui fume, qui tousse et qui crache », selon l’expression d’un pneumologue. Aujourd’hui, en France, 40 % des patients atteints de BPCO sont des femmes, contre 20 % il y a vingt ans, en lien avec le tabagisme, la pollution et l’exposition professionnelle à des produits chimiques. Aux États-Unis et en Australie, elles sont désormais plus nombreuses que les hommes à être touchées par cette maladie.

Douleur, santé mentale : les femmes moins bien prises en charge

Autre exemple : la douleur. Pendant longtemps, les médecins – et les femmes elles-mêmes – ont considéré qu’il était normal de souffrir pendant les règles. Résultat, l’endométriose est souvent diagnostiquée avec plusieurs années de retard, ce qui limite les chances de grossesse.
Enfin, dans le domaine de la santé mentale, des scientifiques ont récemment dénoncé le retard au diagnostic dont sont victimes les jeunes femmes autistes. En fait, elles développent des stratégies différentes des garçons pour compenser les troubles de la communication.

De nombreuses femmes ont du mal à accéder aux soins

De fait, les symptômes d’une même maladie s’expriment différemment d’un sexe à l’autre. Exemple typique : l’infarctus se manifeste chez un homme par des douleurs dans la poitrine, du côté gauche, irradiant dans la mâchoire. Chez une femme, les signes seront plutôt digestifs. « Trop souvent, lorsqu’une femme arrive avec des vomissements aux urgences, on va penser à une gastro ou à un ulcère, avec le risque de passer à côté d’un infarctus », dit le Pr Mounier-Vehier. Conséquences : les femmes victimes d’un accident cardiaque sont prises en charge avec une heure et demie de retard en moyenne par rapport à un homme. « Une véritable perte de chance », pour le Pr Mounier-Vehier.

Une inégalité plus marquée dans les milieux défavorisés

La situation est particulièrement injuste pour les plus défavorisées. Dans un rapport publié le 7 juillet 2017 (La santé et l’accès aux soins : une urgence pour les femmes en situation de précarité), le HCE s’est penché sur la question des travailleurs pauvres, dont 73 % sont des femmes souvent à la tête d’une famille monoparentale. Ces femmes « hors radar », comme le dit Geneviève Couraud, cumulent les difficultés d’accès aux soins, participent peu au dépistage organisé des cancers, ne sont pas suivies sur le plan gynécologique, souffrent davantage que la moyenne de surpoids et d’obésité, de troubles musculo-squelettiques, d’addictions, etc. « Leur propre santé n’existe pas à leurs yeux. Elles se disent qu’il faut tenir le coup », observe Geneviève Couraud.

Les traitements sont souvent inadaptés aux femmes

Les professionnels de santé commencent à s’intéresser aux particularités liées au genre. « Mais il y a très peu de formations sur ces sujets auprès des étudiants en médecine. De même, les médecins ne sont pas assez formés à détecter les violences dont peuvent être victimes les femmes et à créer un climat qui permettrait d’aborder ces questions en consultation », regrette Catherine Vidal, coauteure de Femmes et santé, encore une affaire d’hommes ? ( éd. Belin).
Pendant longtemps, la recherche scientifique sur de nouveaux médicaments n’a tenu aucun compte des spécificités féminines. « Les mouvements féministes aux États-Unis ont été les premiers à le dénoncer et à obtenir le vote d’une loi, en 1993, obligeant les acteurs de la recherche à inclure des femmes dans leurs essais cliniques », observe Catherine Vidal. L’Europe a suivi le mouvement, mais avec un temps de retard. Conséquences : les médicaments ne sont pas toujours adaptés au métabolisme féminin.
« Dans le traitement du cholestérol, les femmes qui prennent une statine ont davantage de crampes que les hommes, tout simplement parce que la dose a été calculée pour des hommes », précise Claire Mounier-Vehier.
De même, les femmes qui bénéficient d’une réadaptation cardiaque après un infarctus sont deux fois moins nombreuses que les hommes. Dans certains cas, le médecin ne la leur a pas proposée. Mais parfois, c’est la patiente qui a refusé. Pour faire avancer les choses, les femmes devront aussi changer de regard sur leur propre santé.

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